Ce que nous attendons d’un portrait, c’est la vie.
Jacques-Émile Blanche
Les intimistes de la Belle Époque s’imposent naturellement comme des peintres de figures de premier plan, sans doute les derniers grands portraitistes psychologiques. Leurs aînés, les maîtres de l’impressionnisme restent parmi les plus grands paysagistes de l’histoire de la peinture. Mais ces immenses artistes connurent moins de réussite dans la recherche d’intériorité : “L’âme est une musique qui se joue derrière le rideau de chair, préconisait Fantin-Latour, on ne peut pas la peindre, mais on peut la faire entendre.” Ernest Laurent, tout comme Aman-Jean donne le meilleur de lui-même dans le domaine si fragile de l’intrusion psychologique. Ainsi arrive-t-il “par la minceur, par la division de la touche, à rendre plus puissant [...] des expressions d’âme que trahissent ou extériorisent la qualité d’un regard et le mystère d’un sourire” (Roger Marx).
Une place à part doit être consacrée à Henri Martin. Depuis le milieu des années 1880, la technique d’Henri Martin, bien qu’influencée par le néo-impressionnisme, évolue vers des touches plus spontanées que théorisées. Des touches courtes, séparées et dansantes y construisent les formes et la lumière dans un chromatisme idéalisé et propice au rêve. Le portrait intéresse le peintre dans la mesure où il permet de rejoindre sa nature profonde, le portant vers une expression apaisée d’un monde idéal. Petite fille en bleu illustre bien cette propension, tout en étant encore représentatif de la veine symboliste qui nourrit l’inspiration du peintre pendant les années 1890.