En 1890, quelques 200 dissidents du Salon des Artistes français créent le Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Ils sont bientôt rejoints par la plupart des novateurs de l’époque. En quelques années, le Salon dit de la Nationale devient le fief des peintres intimistes. Parmi eux, cinq amis, peintres-voyageurs, font tellement parler d’eux que leur groupe s’attire un surnom, la Bande noire – allusion à leur goût présumé pour les harmonies sombres. Se développe alors un art du sentiment incarné par des créateurs hautement indépendants. Leurs productions, à mi-chemin entre classicisme et modernité, vont façonner le goût des décennies à venir.
La Bande noire rassemble Charles Cottet, Lucien Simon et André Dauchez, qui tous trois élisent la Bretagne comme terre d’inspiration ; René-Xavier Prinet, qui privilégie la Normandie ; et René Ménard, qui ne cesse de parcourir le pourtour de la Méditerranée.
Installé à Camaret, Charles Cottet s’attache à rendre la grandeur mélancolique de ses côtes déchirées, et le drame de son peuple de la mer. Lucien Simon qui avait rencontré Cottet à l’Académie Julian de Paris, peut acquérir en 1901, non loin de Quimper, un sémaphore qu’il transforme en lieu de villégiature. Avant de réaliser dans le vaste atelier qu’il se fait construire, les toiles les plus vivantes, Simon ne cesse de parcourir le pays pour prendre, à la dérobée, des notes sur ses carnets de croquis devant le travail des pêcheurs, les pardons des chapelles, les spectacles de fêtes foraines qu’il adorait. André Dauchez, fils d’avocat parisien, découvre la Bretagne dès l’enfance grâce à la maison familiale située à l’embouchure de l’Odet. Son art se différencie de ses deux aînés par l’attention méticuleuse qu’il porte aux paysages bretons, aux horizons délicats de dunes bordées d’immenses arbres dont il devient le portraitiste virtuose et attendri.